Conseil de lecture

Les textes n'apparaissant pas dans l'ordre, je vous conseille de commencer par le plus ancien "Introït" (novembre 2014) et de poursuivre la lecture chronologiquement (voir les titres des articles dans "archives du blog")

mercredi 26 novembre 2014

Petit, petit, petit...

Une collection non exhaustive


Quand j'avais quatorze-quinze ans, nous étions une bande de copains qui écumions les rues de.... Marcigny.
Nous nous retrouvions Place du Cour ou au café "Le Pénalty", nous faisions des parties de flipper ou de baby-foot, nous traînions, les poches remplies de pétards, nous rôdions à vélo sur les routes de campagne, souvent pour aller guetter une fille belle à un point que nous n'osions même pas l'aborder... et le samedi soir, comme il fallait aller à la messe, j'allais chercher le fils du boucher (il s'appelait Thomas!) ; sa mère nous recommandait de nous bien tenir... cependant nos turpitudes nous faisaient presque toujours chasser du lieu saint et nous terminions l'office au "Pénalty".
Nous n'étions certes pas la bande de la Trinité mais j'étais Dutronc et le fils du boucher était Johnny. Les bandes rivales n'étaient pas celles du Sacré-Coeur ou de Vintimille mais celles qui faisaient une descente au bal du samedi soir et venaient des villages voisins pour chercher la bagarre. Moi j'étais plutôt froussard et quand il y avait une alerte, si les copains se précipitaient dehors pour faire le coup de poing, je préférais garder les filles ; à l'inverse, si la bagarre éclatait au bar, je filais à l'anglaise, par une issue de secours au cas où la sortie serait surveillée.
Et quand nous nous retrouvions l'un chez l'autre (souvent d'ailleurs de préférence chez le fils du boucher car mes parents le trouvaient bien trop turbulent pour l'accepter à la maison) nous écoutions nos chanteurs préférés, et lui c'était Johnny et moi c'était Dutronc. Mais tandis que je prenais un soin maniaque de mes disques, toujours bien rangés dans leur pochette, ses galettes à lui s'empilaient comme des crêpes ; tant pis si ses disques craquaient et si le saphir se frayait tant bien que mal un chemin sur le sillon poussiéreux, Johnny vociférait qu'il n'était le fils de personne et nous l'appréciions très bien ainsi. Dutronc, quant à lui, restait bien propre sur lui, toujours dans le costume sans faux pli de sa pochette dont il ne sortait qu'avec les plus grandes précautions pour faire danser le diamant de mon Teppaz (celui de ma sœur, je précise, et qui était d'ailleurs un Claude mallette bleue de 1966) avec un son clair et dépoussiéré. Et si Thomas n'avait pas besoin d'une guitare pour crier de sa voix forte et rocailleuse "Rivière, ouvre ton lit", de mon côté je plaquais les seuls accords que je connaissais (Mi La Ré) sur ma première guitare (que m'avait offerte ma grand-mère) dont les cordes vibraient à un centimètre du manche, pour entonner "Et moi, et moi, et moi" ou "La Fille du Père-Noël".
Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus ses Johnny ! J'ose pas imaginer la gueule qu'ils ont s'il les a conservés.
Mais mes Dutronc n'ont pas pris une ride et ils figurent en très bonne place dans mon petit musée Jacques Dutronc.
Ah oui! et alors... ce petit musée, c'est quoi au juste?
Pas un catalogue exhaustif de la carrière de celui qui a toujours été mon chanteur préféré comme on disait à l'époque. Mon petit musée Jacques Dutronc, c'est mon petit jardin à moi. Tout ce que j'ai pu glaner au fil des années, par admiration et par fidélité, avec passion et nostalgie ; une partie de moi-même, ma gloire par procuration qui me fait toujours dire secrètement : Dutronc c'est mon ami, mon alter ego, mon espace de liberté, mon enfance, mon adolescence, ma jeunesse, et il est bien temps de lui rendre cet hommage discret, à lui qui m'a tant apporté sans le savoir.
Et comme je ne suis certainement pas le seul à le penser, pourquoi ne pas le partager?