Conseil de lecture

Les textes n'apparaissant pas dans l'ordre, je vous conseille de commencer par le plus ancien "Introït" (novembre 2014) et de poursuivre la lecture chronologiquement (voir les titres des articles dans "archives du blog")

samedi 6 décembre 2014

1969 - Métamorphoses

1969

Métamorphoses


Je n'ai pas connu tout de suite les disques que Dutronc sortait et que l'on devait pouvoir trouver chez les disquaires (même à Marcigny). En 1966, je n'avais que onze ans, pas encore d'argent de poche (plus tard j'aurais 5 F par mois), je ne pouvais non plus aller seul dans la rue (même pour me rendre à l'école puisque maman, à ma grande honte, m'emmenait et venait me chercher au grand portail de l'école primaire qui était un ancien couvent et en gardait l'aspect austère).
J'écoutais donc Jacques Dutronc sur le poste radio (un petit transistor qui siégeait sur le réfrigérateur de la cuisine) et surtout à la télévision ; les apparitions de mon chanteur préféré étaient très fréquentes et ce qui me plut d'emblée, ce qui me le fit préférer à tous les autres, ce furent ses facéties. Il me faisait rire, et c'était plus que suffisant pour le distinguer des autres. Certes, j'aimais bien voir Sheila qui sautait sur scène comme une jeune chèvre, j'aimais beaucoup "Le jouet extraordinaire" de Clo Clo, mais la plupart des chansons m'étaient hermétiques. Je me souviens tout particulièrement d'une chanson de Nougaro (encore un des préférés de mon père qui appréciait sa façon de chanter le jazz) qui disait « y'avait une ville, il n'y a plus rien » et une autre où le même titubait en chantant « je suis saoul, sous le balcon... » ; j'étais impressionné par ces paroles énigmatiques et par le décor quasi expressionniste. Mais dès que Dutronc faisait son entrée (nous achetions Télé poche et les apparitions des invités aux émissions de variété étaient annoncées) je jubilais, je n'en perdais pas une miette. Mon émotion était au moins aussi forte que lorsque je regardais Zorro ou Au nom de la loi. J'étais à l'âge où l'on imite ses héros favoris et je passais des heures à me prendre pour Zorro ou Josh Randall. Dutronc allait me faire le même effet et j'allais bientôt l'imiter en chantant ses meilleurs tubes. Mais pour l'instant je n'avais pas encore ses disques.

Mes premiers disques de Dutronc

 

Même si j'ai dû en acquérir quelques uns auparavant, la première mention de l'achat d'un disque de Dutronc date du 30 janvier 1969, grâce aux 5 F d'argent de poche que commençait à me donner mensuellement mon père.
Depuis le début de l'année 1969, après quelques tentatives très espacées l'année précédente, je tiens un agenda, très régulièrement, où je note les événements les plus importants, de la journée. Il est donc naturel que je mentionne plusieurs fois Jacques Dutronc, que ce soit à l'occasion de ses apparitions sur les ondes, à la télévision, dans les Salut les Copains que j'achète chaque semaine et surtout lorsque j'achète ou lorsqu'on m'offre un nouveau disque. A la télévision, nous suivons fidèlement les séries "Le Fugitif" et "Mannix". Ma soeur est en pension à Paray le Monial et quand elle rentre le samedi soir nous regardons "Thierry la Fronde" (avec les copains nous chantons "Thierry la Fronde est un imbécile, avec sa fronde en matière plastique, qu'il a ach'té au Prisunic, à cent balles...")
Le samedi soir, je vais chercher Thomas, le fils du boucher et nous allons à la messe pour faire des croche-pieds à celui qui fait la quête. Parfois Thomas m'enferme dans le local de la chaudière et je tambourine pour en sortir. Nous nous faisons vider de l'église et nous courons au "Pénalty" pour faire des parties de flipper.
En mars, j'ai écrit à l'O.R.T.F pour réclamer l'adresse de Jacques Dutronc. J'étais bien décidé à lui écrire et je n'ai pas tardé à recevoir la réponse. Je lui écris le jour même ; ah! si j'avais seulement gardé le double de cette première lettre! La réponse qui me parviendra sera une photo dédicacée (sans doute par Madame Dutronc qui se chargeait de la correspondance de son fiston). J'obtiendrai par la suite (en 1984) une autre dédicace dans des circonstances bien plus étonnantes (voir la page "Dédicaces").

La dédicace est complètement délavée par les
 années, mais on la devine néanmoins un peu.



Maman pose dans ma chambre avec les disques de Dutronc
      Parfois, l'après-midi, ma mère vient dans ma chambre et je lui passe des disques. Nous commentons les paroles, les pochettes ; elle est ma confidente.
Je la fais même poser, pour une photo, avec tous mes disques de Dutronc. Plus tard je lui ferai découvrir Pink Floyd. (Elle m'en parle toujours, sans jamais avoir su prononcer ce nom barbare!) Sur la photo on devine quelques photos portant des autographes : une carte de Sheila, Dutronc bien sûr, et Lucien Jeunesse qui était venu animer le Jeu des Mille Francs à Marcigny. On voit aussi quelques photos tirées des pages de Salut les Copains, dont une de Sylvie Vartan ou de Michel Polnareff.
Cependant quand mon père remonte, fatigué, du magasin, il s'écrie : "Coupe-moi cette musique de sauvage!" J'aurai du mal à l'initier, mais j'y parviendrai. Les chansons de Dutronc, ce fut beaucoup plus facile et je ne sais pas comment il fit, mais il arriva à trouver la musique de "J'aime les filles" et il m'enregistra sur son magnétophone quatre pistes. On y entend encore ma petite voix qui n'avait pas mué mais qui prenait déjà les inflexions de mon modèle.




Mon père occupe parfois ses loisirs à dessiner et à faire de la peinture à l'huile. Comme lui (nous sommes en juin), je me lance dans l'art du portrait. Mes modèles sont les photos des vedettes que je trouve dans mes Salut les Copains et mon idole fait bien évidemment les frais de mes pauvres croquis.





En juillet, nous sommes à Boulouris, près de Saint Raphaël, dans la villa familiale qui appartient à mes grands-parents. Plage, pétanque, barbecue sont les principales occupations qui rythment mes journées. Événement historique exceptionnel qui me passionne : Le premier alunissage des astronautes sur la Lune! Nous avons pu voir quelques images à la télévison, en noir et blanc bien sûr et de très mauvaise qualité, chez l'épicier Brusasco, en face de la fontaine. Je resterai profondément marqué par cet exploit technologique et humain et ne me départirai jamais de mon intérêt pour la conquête spatiale.  Lanzmann/Dutronc/Vogue ont laissé passer l'occasion d'en faire une chanson... dommage!
Quand nous allons à Boulouris ou à Saint-Raphaël, j'achète des Bob Morane. C'est mon cousin qui m'a initié et comme j'ai tout de suite accroché, il m'a vendu toute sa collection pour 5 F (encore un bon investissement que j'ai pu réaliser grâce à mon argent de poche).
Mes disques tournent sur l'électrophone Teppaz de ma sœur
.
Evidemment, he he! ça va de soi...


Mon premier album 33 tours fut une compilation de 1968. Nous étions donc en vacances à Boulouris, et j'étais parvenu à persuader mon père de m'acheter un disque de Jacques Dutronc ; ce fut m'a mère qui me l'offrit. Pour cela nous étions allés au Monoprix de St Raphaël et c'est là que je découvris enfin mon chanteur préféré sur la pochette d'un 33 tours. Dire à quel point cet album fut immédiatement mon trésor le plus sacré ne peut exprimer que de façon très faible les sensations que j'éprouvais à le manipuler, passant de longs moments à le contempler, l'écoutant sans relâche, tâchant de recopier les textes des chansons pour pouvoir les chanter moi-même. C'était très fastidieux. Il fallait mémoriser le plus possible de texte, arrêter la chanson, remettre au début du titre, et ainsi de suite jusqu'à la fin du morceau ; cela me prenait des heures! Et comme je ne comprenais pas toutes les paroles, cela devenait à chaque fois un texte très farfelu (voir la page Mon cahier de chansons). Avec le recul, cela paraît totalement désuet (j'ai conservé le cahier dans lequel je recopiais les chansons ; on le trouvera à la page "Chanter Dutronc"). On trouve maintenant les paroles d'un simple clic. Il arrivait aussi qu'elles soient publiées dans Salut les Copains (ce magazine mensuel devint vite une bible – je passai du jour au lendemain du Journal de Mickey à Salut les Copains que j'allais chercher chez mon futur beau-frère dont les parents tenaient la Maison de la Presse de Marcigny. J'attendais impatiemment sa parution et ma joie était à son comble si Dutronc faisait la couverture) ; mais il ne s'agissait que des tubes et je dus continuer longtemps à exercer ma perspicacité pour percer le secret des paroles énigmatiques de ses chansons. J'avais mes titres favoris (Et moi, et moi, et moi / Mini, mini / Il est cinq heures Paris s'éveille / Les Play-boys...), d'autres me déroutaient totalement (La Comparade, J'ai tout lu, tout bu, tout vu), mais j'aimais tout, sans distinction et je commençais à m'imprégner de la personnalité de mon idole. Il me faudrait cependant très longtemps pour pénétrer l'incroyable complexité de son monde et pour déchiffrer toutes les énigmes que l'on trouvait dans les paroles écrites par Jacques Lanzmann. Pour le moment, comme on le verra bientôt, je vivais tout cela au premier degré.


En novembre, mes parents sont allés à Paris et j'ai demandé qu'ils me rapportent un disque que je convoite depuis longtemps. En effet, sur le dos de la pochette de mes 45 tours, figure quelques un des disques déjà parus, ce qui me permet de compléter ma collection. Mais la plupart sont introuvables à Marcigny ; les trois "disquaires" vendent principalement de l'électroménager et les bacs de disques ne sont pas très fournis. J'y ferai néanmoins des découvertes capitales, notamment c'est de cette façon que je découvrirai le groupe Pink Floyd, en achetant un 33 tours dont la pochette me plait. On y découvre en effet une vache dans un pré et l'album s'appelle "Atom Heart Mother". La première fois que je l'écoute, je suis complètement dérouté : qu'est-ce que c'est que cette musique? du classique? de la Pop? J'insiste. Il me plait finalement beaucoup mais il faudra de nombreuses écoutes pour que je me familiarise avec ces morceaux très longs, truffés de sons étranges... et comme mon père remonte du travail au moment le plus hermétique, il râle : "Arrête-moi cette musique de sauvages!" Je parviendrai à le convaincre de la qualité incontestable de cette nouvelle musique déroutante en profitant d'un moment où il se repose avec maman sur mon lit. Ils sont à ma disposition et je commente en véritable critique chacun des morceaux, expliquant la ressemblance de tel accent de guitare avec les Beatles, annonçant une envolée lyrique de guitare électrique... (mais j'anticipe car cela ne se passera qu'en 1971 ou 72) Pour le moment, ils reviennent de Paris et ils m'ont rapporté le quatre titres que j'attendais. Je suis aux anges : "Le plus difficile" c'est du Dutronc pur jus. Je commence à comprendre qu' "Hippie hippie hourrah" est une satire du Power Flower à la mode de bretagne. J'apprécie les jeux de mots de "La Publicité" et "Les Rois de la réforme" me fait quasiment pleurer (allez savoir pourquoi?). Le fait est que lorsque je passerai le conseil de révision, en 1975, je saurai me faire réformer en demandant à voir le psy de la caserne. Je n'eus guère de mérite sans doute car cette année-là il devait il y avoir au moins autant de types qui voulaient s'engager que d'appelés. Et lorsque je téléphonai mon père pour lui annoncer que j'étais réformé (en fait je n'étais qu'exempté) je fus peut-être encore plus fier que lorsque je lui avais annoncé que j'avais décroché mon bac.


En cette année clef, durant laquelle Dutronc devient plus que jamais mon confident par chansons interposées, je suis amoureux. Certes j'avais déjà fait le joli cœur avec les filles du boucher (un autre) qui avait sa devanture et son appartement sur la place des Halles (la même place où était le magasin familial), et mon père m'avait pris en train de conter fleurette à Régine qui était à la fenêtre de son rez-de-chaussée. Il m'avait lancé : "Alors ! on fait le joli cœur" et cela m'avait profondément vexé. J'allais souvent avec elle au jardin public et je lui chantais "J'aime les filles" du ton le plus persuasif et elle me répondait en me faisant les yeux doux, doux, doux. J'avais déjà dragué sa sœur, Annie, pendant les répétitions de notre communion solennelle... Je me souviens qu'elle était à quelques rangs derrière moi et que je me retournais souvent, et que nous nous souriions et que c'était magique. Alors, dès que nous étions sortis de l'église, je lui susurrais "Annie aime les sucettes".


Bon! c'était mignon mais ce n'était que des enfantillages. Mais en 1969 je suis vraiment amoureux. Elle s'appelle Catherine, elle est comme moi en 4ème (pas dans la même classe, garçons et filles sont séparés) ; je la vois pendant les récréations mais surtout les lundis matins (jour de marché). Les rues sont remplies de monde, et tout ce monde tourne toujours dans le même sens pour emprunter les rues. Aller dans l'autre sens équivaudrait à vivre l'expérience du saumon lors du long parcours qui lui fait remonter rivières et torrents pour aller frayer. C'est pourtant ce que nous faisons, avec les copains. Nous sommes quatre et nous sommes tous les quatre amoureux de Catherine. Mais solidaires. Alors nous prenons les rues en sens inverse pour avoir une chance de croiser celle qui nous a envoûtés avec ses beaux yeux verts et sa magnifique chevelure blonde. Les jeudis après-midi nous prenons nos vélos et nous faisons un long périple pour aller guetter devant sa maison à Avrilly. Nous la voyons parfois à sa fenêtre mais elle sort rarement de chez elle. Une fois, elle a pris sa bicyclette et nous l'avons suivie sans oser lui adresser la parole. Mais ce soir-là, quand nous sommes rentrés, nous avions franchi une étape considérable dans ce jeu qui consistait à aller draguer la fille la plus formidable du canton. La plus formidable mais surtout la plus inaccessible. Nous n'obtenions au mieux qu'un demi-sourire. Sur le chemin, nous faisions étape à Bourg le Comte, chez sa meilleure copine, et nous étions beaucoup moins timides ; ce fut donc à sa meilleure copine que je confiai à la récréation du matin un poème que j'avais écrit pour Catherine. Elle devait le lui remettre et me rendre compte de sa réaction. En fait de poème, j'avais recopié de ma plus belle écriture la chanson de mon chanteur préféré : chanson qui m'arrachait des larmes et des soupirs à chaque fois que je la passais sur le Teppaz de ma sœur. Elle s'intitulait "Proverbes", je l'avais transcrite du mieux que je pouvais, avec beaucoup d'imprécisions (voir la comparaison entre mon texte et l'original à la page "Mon cahier de chansons"). Mais je ne doutais pas que l'aide providentielle apportée par Jacques Dutronc me donnerait une avance considérable sur mes rivaux auxquels je m'étais bien gardé de confier mon initiative. A midi, à la sortie des classes, l'amie de Catherine vint donc vers moi et me dit: "Catherine a eu ton poème, elle trouve que tu écris très bien."
Mon amour poétique dura plusieurs années, nous tournâmes par la suite dans le même sens les jours de marché et la nuit je tâchais de m'encourager à lui prendre la main la prochaine fois. Je n'imaginais même pas qu'il fût possible de l'embrasser, cela m'aurait paru par trop trivial et aurait sali un amour aussi pur. Non! je ne souhaitais qu'une chose: Lui prendre la main, et tourner dans le même sens. Je n'eus jamais le courage de le faire et si elle ne donna pas suite à notre amour naissant, ce fut sans doute parce qu'un autre...


J'imite Dutronc !
Durant cette année 69, j'allais donc considérablement enrichir ma discothèque Dutronc, d'abord exclusivement composée de 45 tours (à l'exception du vinyle acheté au Monoprix de Saint-Raphaël bien sûr). Je connais suffisamment la plupart de ses chansons pour m'improviser imitateur et lorsque nous recevons de la famille, papa aménage une sorte de scène, à la galerie du magasin, installe quelques sièges pour les spectateurs et je fais "mon spectacle". Je ne chante d'ailleurs pas que des chansons de Dutronc ; je fais des imitations de Charles Trenet (en roulant de gros yeux), de Charles Aznavour (en me grattant le derrière). Je trouve mon inspiration en regardant les émissions de variété. On a du mal à m'arrêter quand je suis parti ; je suis le Roi de la fête!


Ce qui est incontestable, dès cette année-là, c'est que la plupart de mes connaissances (famille, copains et amis de mes parents) m'associent à Jacques Dutronc. Dès que la moindre occasion se présente, je parle de mon chanteur préféré, je fais écouter ses disques et je les commente. J'échange un 45 tours des Beatles (Michelle) avec le disque des Play-boys sans aucune hésitation avec ma cousine, un copain me vendra le premier album de Dutronc parce qu'il me l'avait prêté et que je ne voulais plus le lui rendre.
 


Cependant, comme la pochette était abîmée, j'en confectionnerai une autre en collant des photos de Salut les Copains. Mais j'anticipe car cela ne se produira que le 12 septembre 1972.
 


Une pochette faite maison

















Je vais presque chaque semaine rendre visite aux disquaires de Marcigny pour réclamer le dernier Dutronc, et je repars terriblement déçu s'il n'est pas encore arrivé.
Un de mes oncles, à qui je fais écouter "Il est cinq heures, Paris s'éveille" trouve le morceau superbe, surtout l'accompagnement à la flûte, mais ajoute : "Tout de même, les rimes, ça n'est pas comme avant, on ne peut pas dire qu'elles soient très riches."
Cette scène, comme la suivante, se déroule dans la cuisine de ma grand-mère qui habite un appartement contigu au magasin.
L'une de mes tantes qui habite Marseille est venue passer quelques jours à Marcigny trouve les textes de ses chansons intéressants ; je suis flatté d'une telle remarque car elle a fait des études, elle est très cultivée. A chaque fois, mon estime pour Dutronc monte d'un cran et c'est tout à fait comme si les compliments faits à mon chanteur préféré m'étaient adressés.
Mes parents tenaient un magasins de Tissus & confection, dont les étages étaient constitués d'un dédales de dépôts où l'on trouvait les accessoires pour les vitrines, des invendus et autres réserves mais aussi un atelier de retouches où travaillait une employée qu'on appelait Danie. Comme toutes les petites mains, elle écoutait en permanence la radio et souvent c'était elle qui m'informait de la dernière sortie d'un disque. Si elle avait écouté Dutronc à la radio, elle me confiait : "J'ai écouté telle ou telle chanson, à telle heure." J'allais souvent la voir ; elle était en quelque sorte mes oreilles à l'affût des dernières sorties. Et comme je passais beaucoup de temps à fouiner dans le labyrinthe mystérieux des dépôts qui contenaient toutes sortes de trésors (objets mystérieux, vieux jouets de mon père, etc.), j'avais inventé un jeu dont l'effet était infaillible. J'ouvrais chacune des portes le plus silencieusement possible et tel un indien sur le sentier de la guerre je me faufilais jusqu'à cette pauvre Danie pour la faire sursauter. Elle était tellement absorbée dans ses retouches, ne prêtant l'oreille qu'aux nasillements de son poste transistor, que j'avais beau jeu de m'approcher à la toucher pour crier : "Bonjour Danie!" Elle sursautait avec une telle violence que sa frayeur n'aurais sans doute pas été aussi intense si le diable avait posé sur son épaule une main crochue. Cela me faisait rire aux larmes. Mais elle était sans rancune puisqu'une fois remise elle m'informait des dernières chansons de notre Jacquot.