Conseil de lecture

Les textes n'apparaissant pas dans l'ordre, je vous conseille de commencer par le plus ancien "Introït" (novembre 2014) et de poursuivre la lecture chronologiquement (voir les titres des articles dans "archives du blog")

vendredi 11 septembre 2015

1972 - L'Age d'or


L'Age d'or


Je vais sur mes 17 printemps et Jacques Dutronc sur ses 29 ans. Nous sommes nés le même mois. Le mois d'avril, le 28 pour Jacques qui est du signe du Taureau et le 7 avril, Bélier en ce qui me concerne. Françoise ne fait pas encore d'astrologie et ne peut donc pas encore tracer notre destin.
Le mien est loin d'être tracé. Faute de compétences affirmées, je suis entré au lycée de Digoin, en 2nde G1, parce que mes parents sont commerçants et que le secrétariat est un pis aller quand on n'est pas fort en mathématiques. Pourtant, ce sont les matières artistiques qui m'intéressent le plus. Comme je ne suis pas trop mauvais en dessin on avait envisagé une orientation dans la publicité mais c'est trop tôt, tout comme les Beaux Arts d'ailleurs. Cela fera l'objet de longs débats avec mon père qui s'inquiète de mon avenir.
Et puis je me suis entiché de mon prof de Français qui fait des cours passionnants et nous fait parfois des lectures découvertes à la fin des cours. Il nous fait découvrir Jacques Prévert en nous lisant un petit texte de théâtre tiré du recueil "Spectacles" ; pour moi c'est une révélation, un choc! Je commence à écrire des poésies et je fais du théâtre dans le club qu'anime un autre professeur.
Je demande un entretien à mon professeur de français, pour lequel j'ai une réelle admiration, convaincu qu'il saura me conseiller, et je lui annonce tout de go que je veux être poète et monter à Paris pour vivre de mon art. Mais la réponse qu'il me fait est bien loin de répondre à mes attentes : "Poète... ça n'est pas une profession, cela ne nourrit pas son homme." Bon! Merci monsieur, cela ne me fera pas aimer pour autant les cours d'économie, la gestion administrative, la sténographie... Seule la dactylographie m'est utile pour taper mes poèmes et un roman dans lequel je relate mes amours fantasmées avec Colette, une copine de ma sœur dont je suis tombé amoureux.
Le soir, au dortoir, je m'enferme dans un cagibi pour fuir les bizutages et la vulgarité des copains, mais surtout pour cultiver mon spleen car j'ai également découvert un autre mentor : Charles Baudelaire. Et je passe une grande partie de la nuit à écrire des poésies. Comme je dors peu, impossible de me tirer du lit le matin. Le surveillant a beau donner des coups de pied dans mon lit et répéter d'une voix lancinante "Guinard... debout", rien n'y fait ; il m'arrive de rester enfermé dans le dortoir. Je me persuade que je ne suis pas fait pour la vie en communauté, que je suis un rêveur solitaire... Cette idée sera tellement ancrée dans ma pauvre petite cervelle qui se fait du vague à l'âme un modus vivendi, qu'elle m'inspirera, quelques années plus tard, le moyen de me faire exempter du service militaire.
Quand je rentre à Marcigny, le week-end, je retrouve ma chambre qui est ma tour d'ivoire, mes vrais copains et des occupations bien plus en phase avec mes goûts.
A la Maison des jeunes, où je passe le plus clair de mon temps, j'ai rencontré quelques aînés qui souhaitent monter un groupe et recherchent un chanteur qui joue de la guitare. Je me propose de me joindre à eux, persuadé que mon talent suppléera à mon manque de bases solides en solfège. Il y a Martin, batteur, Sabot, organiste et Ducerf, guitare basse. On me prête une guitare électrique et... c'est la catastrophe. Je n'arrive pas à suivre une partition, je ne connais que mon propre rythme et ils ont beau faire l'impossible pour s'accorder avec moi, nous sommes loin d'avoir assez de pratique pour nous produire dans les bals. L'expérience va quand même durer quelque temps et avec le recul je salue leur patience et leur mansuétude. 
Le 29 mars, je vais à Roanne pour faire électrifier ma guitare. J'ai aussi récupéré un vieil ampli à la Maison des jeunes et je passe de longues heures à faire crier plus que chanter ma toute nouvelle guitare, la fenêtre de ma chambre grande ouverte, lorgnant de temps en temps les filles dans la rue, montant le son à fond dès qu'il s'en présente. A 17 ans, on n'a pas peur du ridicule! 
Je vais souvent à Roanne ou à Paray pour acheter du matériel électrique (Jacks, câbles) et des partitions. Je connais quelqu'un qui travaille chez un ami de mes parents qui a un magasin d'électro-ménager et qui me fait pour rien quelques réparations et branchements électriques. On y trouve aussi un bac à disques et c'est là que le 15 juin j'achète le dernier 45 tours deux titres de Jacques Dutronc. J'y découvre un Dutronc affublé d'une moustache et ça ne me plaît pas trop. Il a dû s'en rendre compte car il ne la gardera pas bien longtemps.
"Le Petit Jardin" me fait penser au jardin de mon grand-père, au Vésinet. Je ne tarderai pas à le lui faire écouter et je serai enchanté de le voir apprécier le Verlan d'un autre titre "J'avais la cervelle qui faisait des vagues" car en bon parisien il maîtrise parfaitement cette langue. Décidément, je fais un nouvel adepte de mon idole.

La Corse

 Comment pourrais-je évoquer dans tous ces souvenirs l'influence qu'a eu Jacques Dutronc sur mon adolescence sans parler de la Corse? Et pourtant, aussi surprenant que cela puisse paraître maintenant, avec le recul, je n'avais aucune idée de la vie privée de mon idole pendant toutes ces années.
Aussi, quand mes parents décidèrent de faire un voyage en Corse, au mois de juillet 1972, je ne me dis pas : "Oh ! chic ! Je vais peut-être y rencontrer Jacques Dutronc, d'autant plus que nous allions à Speloncato (Balagne) qui est pour ainsi dire à une encablure de Monticello où il réside désormais mais où il squattait à l'époque chez Françoise.
Nous logions à l'hôtel a Spelunca di u Sehju, qui était l'ancien Palais du Cardinal Savelli et était tenu à l'époque par sa seigneurie Princivalle, un homme charmant et plein d'humour. Le cuistot, qui lui aussi ne manquait pas d'humour, avait observé que nous étions toujours les premiers à table et, mon père ayant un tout petit appétit, que nous en étions aussi les premiers sortis. Un jour, après son service, il surprit mon père qui était en train de faire une toile d'après nature, sur une terrasse de l'hôtel. Il lui dit : "Monsieur croque bien mais ne mange pas beaucoup."

Quant à moi, je n'avais pas oublié d'apporter ma guitare et grâce à elle je m'étais fait des amis. Le soir, j'allais au café d'en face et je jouais la sérénade, si bien que je m'étais attiré les yeux doux d'une jeune corse et que je comptais bien pousser mon avantage en l'invitant à me faire découvrir le village. Les choses ne se passèrent pas vraiment comme je l'avais escompté. Un garçon vint me trouver et me dit : "Ma grand-mère est malade et aimerait t'entendre jouer de la guitare." Il m'invite donc à le suivre et nous grimpons les rues escarpées pour arriver sur une sorte d'éperon rocheux où m'attendaient quatre ou cinq Corse qui avaient tout des bandits du même nom. Ils n'avaient certes pas le fusil en bandoulière mais leurs mines inquiétantes ne me dirent rien de bon. Mon guide me dit alors : "Tu joues très bien l'aubade mais tu as eu le tort de la faire à ma petite sœur!" Je n'en menais pas large.
Un bandit corse ?
J'étais au bord de la falaise avec pour seul arme ma guitare et je n'avais pas du tout envie de la sacrifier dans une échauffourée dont je ne sortirais certainement pas vainqueur. Je balbutiai quelques mots d'excuses et il ajouta : "Tu sais quel âge elle a, ma sœur?" Je ne le savais pas. "Treize ans! alors t'as pas intérêt à continuer ton manège..." Je lui promis tout ce qu'il voulut et nous repartîmes bons copains. Les Corse ont le sang chaud mais sont finalement de bons bougres pourvu que l'on ne vienne pas piétiner leurs plates bandes. 
D'ailleurs, si je ne savais pas que Jacques Dutronc était probablement si près de moi en ce bon mois de juillet, ce ne pouvait pas être lui, par conséquent, qui motivait mon intérêt sur l'île de beauté. Mes parents connaissaient un résident qui avait travaillé à la banque de Marcigny pendant quelque temps et j'étais alors tombé amoureux de sa fille, Catherine, sans avoir jamais osé lui déclaré ma flamme. Je me contentais, les soirs d'hiver, d'aller sous sa fenêtre où je la voyais de temps en temps apparaître. Et, dès que sa lumière s'éteignait, je retournais vite dans ma chambre pour lui écrire des poèmes dont elle ne connut jamais l'existence.
Mes parents rendirent visite à leurs amis qui vivaient maintenant à quelques kilomètres de Speloncato dans une villa somptueuse ; elle et moi allâmes alors parmi les chemins pour une promenade romantique durant laquelle je lui avouai tout l'amour que je lui avais voué. "Et tu ne m'as rien dit? me questionna-t-elle. Je t'aimais bien, tu sais... enfin... si j'avais su..." Mais c'était la veille de notre départ et malgré les accords doux de ma guitare, je n'eus d'aventure ni avec Catherine ni avec aucune fille corse. Je fus seulement soulagé de m'en tirer à si bon compte avec le frère.
Enfin, pour terminer cette histoire corse, je relaterai seulement ce jour où nous allâmes avec M. Princivalle chez un de ses amis qui exploitait le verger de notre hôte. Nous en dégustâmes quelques unes de ses merveilleuses pêches, grosses comme des melons et si savoureuses, si fermes et goûteuses que jamais je n'en retrouvai de pareilles. Nous en achetâmes quelques cagettes et quand le vieil homme les déposa dans le coffre de notre voiture, distrait sans doute par mes récentes aventures galantes, je lui coinçai la main en refermant le haillon de la malle. 
Merveilleux souvenirs... les plages d'Ile Rousse où nous allions nous baigner, les terrasses de café de Calvi où nous faisions la conversation avec un légionnaire complètement bourré qui ne cessait de ponctuer ses phrases en répétant "Léger, léger...". Les îles Sanguinaires, le golfe de Porto, le Monte Cinto... Nous en revînmes éblouis et, si j'avais su mon idole si proche, rien ne nous aurait arrêté pour lui rendre une petite visite...
Mais je devais attendre encore bien des années avant de revoir Jacques Dutronc pour lequel je restai et resterai un admirateur inconnu parmi tant d'autres.















dimanche 11 janvier 2015

1971 - L'Idole

  1971

Dutronc en concert!


Le samedi 6 février 1971, c'est le branle bas le combat à la maison.
Quelques jours auparavant j'ai su, je ne sais plus de quelle manière mais c'est sans doute mon beau-frère, Alain (il travaille à la Maison de Presse) qui me l'a appris, que Dutronc passait à la Salle des Fêtes de La Clayette qui est à 24 kilomètres de chez nous. Dans nos villages, ce sont dans les Salles des Fêtes qu'ont lieu les bals du samedi soir. Des orchestres viennent y jouer et souvent des chanteurs à la mode ou des groupes viennent s'y produire en deuxième partie. Tout le monde s'arrête alors de danser et la Salle des Fêtes se transforme en salle de spectacle. Ainsi, à Marcigny, j'ai pu voir Gérard Palapra et le groupe Triangle.
Mais ce soir-là, Alain est venu dîner chez nous (il est convenu que c'est lui qui m'accompagnera à La Clayette) et il règne à la maison une étrange effervescence. En effet, Marcigny est plongé dans le brouillard et les avis sont partagés sur le risque de s'aventurer, de nuit, sur les routes de campagne avec un tel brouillard. Ma grand-mère s'y oppose formellement et je suppose que maman s'y oppose également. Mon beau-frère n'est pas très chaud non plus pour faire le trajet qui est normalement d'une demi-heure. Je vis des moments d'angoisse insoutenable, guettant par la fenêtre la moindre amélioration des conditions climatiques ; je négocie, j'argumente : "La Loire coule près de Marcigny, le brouillard n'est sans doute pas étendu à toute la région." Finalement j'obtiens gain de cause et j'arrive à convaincre le principal intéressé. Alain connaît plus que tous mon admiration pour Jacques Dutronc, c'est lui qui m'a averti qu'il allait se produire à La Clayette, il me vend Salut les Copains et Super Hebdo et nous sommes de vieux complices. En revanche, il n'est pas question que ma sœur nous accompagne, trop dangereux!
Nous prenons la voiture. Nous quittons Marcigny. Nous avons déjà parcouru une dizaine de kilomètres... le brouillard est toujours aussi épais. Le silence s'est installé. Alain se tient en avant, penché vers le pare-brise, scrutant la route. Nous avançons à la vitesse d'un escargot de Bourgogne. Jamais nous arriverons à temps! A cette époque, les routes n'étaient pas bordées de lignes blanches et par temps de brouillard il était bien difficile de suivre une trajectoire sûre. Nous sommes à mi-chemin... à un carrefour, nous manquons de nous tromper de route. On n'y voit pas à dix mètres! Alain a dû s'arrêter. Il faut renoncer, me dit-il, c'est trop dangereux, on n'y voit absolument rien. Je le supplie d'une voix blanche : "Non! il serait aussi périlleux de faire marche arrière que de poursuivre de toute façon." Peu rassuré, il obtempère néanmoins et nous arrivons tant bien que mal à La Clayette. Une fois en ville, je suis soulagé, les quelques lampadaires nous guident et Alain sait où se trouve la Salle des Fêtes. 
Une fois arrivés, nous descendons précipitamment de la voiture et allons prendre nos billets. Nouvelle angoisse : "Comment Dutronc va-t-il trouver cet endroit paumé? Son concert ne va-t-il pas être annulé? Dans la salle le bal se poursuit comme si rien d'exceptionnel ne devait se produire ce samedi soir. Nous sommes montés aux balcons, d'où nous surplombons la scène où joue un petit orchestre et la salle où s'agitent les danseurs.
Soudain, les lumières de la salle s'éteignent, un présentateur vient annoncer l'arrivée imminente de Jacques Dutronc. Encore quelques minutes d'attente fébrile. Les musiciens prennent place avec leurs instruments, ils entonnent quelques mesures de la chanson "Les Play-boys" et mon chanteur préféré fait son entrée, il commence à chanter, exactement comme je l'ai vu de nombreuses fois à la télévision. Mais il est là, en personne. Je suis médusé, pétrifié, pris d'une transe hypnotique. Alors qu'en bas la foule se manifeste bruyamment, je reste coi, je savoure, je déguste, je n'en perds pas une miette. Les titres s'enchaînent et je pense fièrement : "Moi, je les connais tous!" Dutronc fait son show habituel, en cravate et  costume deux pièces, très sobre, brandissant des petites pancartes où sont inscrits des ordres : "Riez!" "Applaudissez!" etc. Il s'adresse de temps à autre au public, avec un détachement désinvolte, pour lancer une plaisanterie. A un certain moment, il lève les yeux vers la galerie, où je me tiens, et là je suis persuadé qu'il me voit, mieux que nous avons échangé un regard : c'est sûr, il m'a reconnu. Comment pourrait-il ignorer mon existence? Moi, son plus fidèle et plus inconditionnel fan! Le show se poursuit, chaque nouvelle chanson fait bondir mon cœur d'une émotion intense. Mais c'est déjà la fin! Un rappel... une dernière chanson! c'est fini!
Le bal reprend.
Quand nous sortons, je regarde autour de moi, comme si je m'attendais à voir mon ami Dutronc, mais à part quelques spectateurs, qui n'étaient sans doute venus que pour voir la vedette, il y a peu de monde sur le parking.
Je ne me souviens pas du retour, je ne sais pas combien de temps nous avons mis pour rentrer, s'il y avait encore du brouillard. Le brouillard, il est dans ma tête, et les phares des voitures que nous croisons sont les projecteurs qui éclairaient mon idole. 
Moment inoubliable! Il y aura eu un avant et un après. J'aurai vu Jacques Dutronc! Comme dans la chanson de Jacques Brel!
Bien des années plus tard, je retournerai voir Dutronc à Lyon, lors de sa tournée du Casino de Paris... mais nous sommes en 1971 et la narration de cette deuxième rencontre avec mon idole se fera en temps voulu. 



Mademoiselle Age Tendre




  
En ce début d'année, je poursuis assidûment mes activités où Jacques Dutronc et la musique en général tiennent une place de plus en plus importante : Salut les Copains et Super Hebdo en fournissent la matière iconographique dont se couvrent les murs de ma chambre et qui alimentent mes cahiers Dutronc. Je prends le chemin de mes premières leçons de guitare, comme j'ai pu l'expliquer dans l'article correspondant à l'année 1970 et j'achète tous les disques qui sortent: mon deuxième 33 tours sera donc Le Responsable, titre qui est pour moi un des seuls rocks pur et dur qui peut rivaliser avec les Rolling Stones, MC5 et autres groupes anglo-saxons. Et tout comme Dutronc, je détourne la fonction de ma baignoire pour en faire un lieu d'écoute privilégié.









Ma sœur Brigitte, de son côté, achète de temps le magazine Mademoiselle Age Tendre qui est la petite soeur de Salut les Copains et je ne manque jamais de le feuilleter pour vérifier s'il n'y aurait pas un article sur Jacquot. Et puis c'est le coup de foudre! Chaque année le magazine élit une Mademoiselle Age Tendre et cette année-là, l'heureuse lauréate de ce concours correspond parfaitement à mon idéal féminin (du moment).
En plus, elle arbore sur son tee-shirt l'effigie d'un Johnny Hallyday coiffé du Stetson qu'il porte dans "Le Spécialiste". Je détache la page et l'affiche immédiatement dans ma chambre. J'en parle aussi à ma tante Colette qui est, en matière de cœur, une confidente patentée: elle sait que j'aime les filles! Un jour que nous marchions dans la rue et que nous venions de croiser une charmante jeune fille, voyant que je la suivais du regard, elle me glisse : "Joli petit brin pour toi, n'est-ce pas?". "Moi c'est pas le brin qu'il me faut, c'est la touffe!" lui rétorqué-je illico, sans imaginer la portée grivoise de ma réponse.
Mais j'ai fait tellement de farces à Colette qu'elle tient peut-être sa revanche... en se transformant en la Marcelle Ségal qui tient alors, pour le magazine "Elle", le Courrier du Cœur. Comme au mois de juillet je dois aller passer mes vacances au Vésinet - Le Pecq chez mes grands-parents, elle me fait miroiter que je pourrai rencontrer Hélène, la Mademoiselle Age Tendre de mes rêves, dont elle a fait la connaissance. 
Voir Dutronc sur scène et rencontrer Mademoiselle Age Tendre la même année! 
J'entretiens donc ma flamme en écoutant les chansons les plus romantiques de Jacques Dutronc tout en regardant la photo de ma prochaine conquête.
Quand j'arrive chez mes grands-parents j'ai hâte de retrouver Colette chez elle car elle m'a déjà averti qu'elle a organisé un rendez-vous. Et je suis tellement ému quand je me retrouve face à face avec la jeune fille que je suis à peine étonné qu'elle lui ressemble si peu. Ce n'était après tout qu'une photo dans un magazine, et puis elle a peut-être un peu grandi et... pas mal changé quand même depuis. En tous les cas je suis intimidé et je fais tous mes efforts pour me comporter en parfait gentleman. Nous allons ensemble à Paris où j'achète des cordes métalliques afin de remplacer les cordes en nylon pour donner un son plus "rock" à ma guitare. Le seul résultat que j'obtiendrai sera de donner une curieuse inclinaison au manche de ma guitare, rendant encore plus difficile mon jeu tâtonnant.
En rentrant, le soir, chez mes grands-parents, je suis bien sûr encore sous le charme de l'usurpatrice et tandis que Colette doit savourer sa revanche dont le mécanisme machiavélique a si bien fonctionné, je pense à la journée du lendemain qui sera si bucolique et romantique puisque nous devons aller pique-niquer sur les bords de l'Oise. C'est dans ce décor idyllique que j'apprendrai la supercherie... Je ne me souviens absolument rien ni de ma déception ni des suites de cette aventure. Mais plus jamais je ne faucherai à ma sœur le magazine Mademoiselle Age Tendre.
Un pique-nique lors duquel mes tendres espoirs s'écroulent : Brigitte (alias Hélène) se trouve au centre gauche et ne ressemble finalement pas du tout à Mademoiselle Age Tendre.


Durant le printemps qui a précédé l'épisode Mademoiselle Age Tendre, un certain Jacques fait une entrée fracassante dans ma vie. Amis de ma famille, ses parents habitaient Paray le Monial. Sa sœur Murielle est en pension avec Brigitte (ma sœur). Jacques, un jeune homme plein d'entrain vient parfois nous voir et il joue parfaitement de la guitare, des mélodies de jazz qui plaisent à mon père (Take Five) et... "Comment elles dorment" de Jacques Dutronc! Je vais rapidement abandonner mes cours de guitare classique chez Mlle Morche pour le rejoindre dans la maison de campagne qu'il vient d'acquérir à la sortie de Marcigny et qu'il appelle "La Maison près de la fontaine". J'y reviendrai... car c'est chez lui que j'apprendrai à plaquer des accords et que je commencerai à composer des chansons. 

Depuis quelque temps, une nouvelle série passe à la télé ; il s'agit des aventures d'Arsène Lupin et je découvre avec autant de stupéfaction que de satisfaction que Jacques Dutronc en a composé le générique : je ne tarderai pas à acheter le 45 tours deux titres intitulé "L'Arsène" mais une double déception m'attend. Ce n'est pas mon chanteur préféré qui figure sur la pochette et le titre de la face B n'est même pas une chanson de lui! Sacrilège! Cela ne m'empêchera pas de suivre assidûment la série.

Le Dilemme


Fin juin, c'est le brevet des collèges. Je rate l'écrit mais j'obtiens néanmoins mon diplôme en allant au rattrapage et mon père peut tenir la promesse qu'il m'avait faite de m'offrir un magnétophone, que nous allons choisir ensemble le 1er juillet. Au moment de choisir, c'est le dilemme. En effet, mon père possède un téléphone à bande magnétique "Téléfunken" (sur lequel il m'a enregistré chantant "J'aime les filles" l'année précédente, et récemment l'album des Who "Tommy" que m'avait prêté mon cousin. Surprise! il a même aimé la musique de ce groupe!). Naturellement j'aimerais posséder comme lui un magnétophone à bande magnétique car je le vois parfois faire des montages/collages comme il fait avec ses films Super 8. Cependant, le budget alloué pour ce nouvel achat récompense n'est pas assez important pour qu'il m'offre un magnétophone 4 pistes pourvu des mêmes qualités que le sien. Il me donne à choisir entre un magnétophone qui fonctionne avec des bandes petit format ou un magnétophone à cassettes dont on lui vante la toute nouvelle technologie. J'opterai pour ce dernier car il a pour accessoire un micro qui ressemble "vaguement" à celui que l'on voit sur certaines photos de mon idole.
Une nouvelle ère musicale va commencer : je passerai un nombre d'heures incalculable à enregistrer mes premiers essais de guitare, les morceaux choisis de mes disques préférés et toutes sortes de bruits naturels : orage, circulation dans la rue en bas de chez moi, moto-cross, cloches, etc.

Mais avec tout ça je ne fais pas beaucoup de progrès avec ma guitare : la plupart du temps, je me contente de chanter en playback et de faire de pâles imitations de Jacques Dutronc. Cependant c'est la rencontre d'un autre Jacques qui va me faire faire un bon prodigieux et me permettre d'interpréter moi-même les chansons de mon idole. Il s'agit du fils d'un ancien camarade de mon père qui est passé à la maison avec sa guitare et nous a impressionnés par sa virtuosité. Il séduit mon père en jouant Take Five de Dave Brubeck; Quant à moi, je suis littéralement sur le cul quand il chante Comment elles dorment.
 
Le 27 août, je le rencontre dans les rues de Marcigny et il me propose de passer chez lui, une vieille maison de campagne dont il a hérité récemment à la mort de son père. Et là, je découvre un nouvel univers où la musique est reine et où nous passerons des soirées durant, non seulement il jouera de la guitare mais surtout va m'en apprendre les rudiments. Je lui explique que je prends des cours de guitare mais qu'entre la théorie austère et le déchiffrage laborieux de partitions classique je n'y trouve pas mon compte. Alors il me fait une révélation : "Ce n'est pourtant pas compliqué, il suffit d'apprendre quelques accords de base et avec ça tu joues tout ce que tu veux en te faisant plaisir. Ré La Mi... et c'est parti... Et moi et moi et moi... Mini mini mini... Les gens sont fous les temps sont flous... Plus de playback ! En quelques jours je suis capable d'interpréter moi-même mes chansons favorites. Enfin presque car pour la grande partie du répertoire il n'est pas facile de trouver les accords qui conviennent. Évidemment nous faisons des enregistrement sur mon magnétophone à cassettes, enregistrements que j'ai encore et que j'écoute parfois avec nostalgie car c'était vraiment des soirées de délire.
C'est bien sûr le temps des boums, le temps des copains, le temps des beuveries qui durent toute la nuit et des lendemains difficiles. Mais ce sont les grandes vacances et un grand vent de liberté souffle sur ma vie. Il ne se passe pas une journée sans que je découvre un groupe nouveau, je me déplace presque toujours en stop car rares sont les jeunes qui, à cette époque-là, ont une voiture et on n'emprunte pas comme ça la voiture des parents. Autrement dit la liberté dont nous jouissions n'était pas synonyme d'argent à notre disposition et nous ne nous en portions pas plus mal.

La Quinzaine commerciale de Marcigny

 Chaque année, en automne, Marcigny est en ébullition. Les rues sont pleines de monde, des haut-parleurs diffusent de la musique toute la journée, le magasin de mon père ne désemplit pas. C'est la quinzaine commerciale. On distribue dans les commerces des coupons numérotés proportionnellement à la valeur des achats faits par les clients et qui permettront aux plus chanceux de gagner des lots, le plus important étant une voiture. Enfant, quand tous les lots avaient été distribués, ma sœur et moi pouvions récupérer des liasses entières de ces coupons et cela nous servait de billets de banque pour jouer à la marchande.
Mais maintenant que je suis plus grand ce sont les attractions de fin de soirée qui m'intéressent ; un podium a été installé sur la place en face du magasin de mon père, où se déroulent des jeux et un radio crochet que je manque de peu de remporter avec une chanson de Dutronc. Malheureusement, une gamine à voix superbe l'a gagné haut la main avec une chanson d’Édith Piaf. 
L'animateur de ces divertissements, je le connais bien, nous sommes devenus amis car il est hébergé par un commerçant ami de mon père. Chaque matin, je le rejoins dans sa caravane qui est stationnée sur la Place du Cour. Atmosphère confinée, chaleur étouffante, Claude Aguer, gros homme sympathique occupe toute une banquette d'où il diffuse sur une platine les disques qu'il tire d'une pile impressionnante. On y trouve de tout ; de la variété, du musette, des musiques de films (cette année-là ce sera le thème générique de L'Arnaque qui lui servira d'introduction). Entre chaque disque, ce sont des publicités pour les commerces locaux qu'il scande de sa voix chaude et bien timbrée. Je lui tiens compagnie, les yeux rivés sur son micro, objet de toutes mes convoitises car il symbolise à lui seul le métier de chanteur. Parmi les nombreux jeux, l'énigme de l'objet mystérieux, qui est donné à reconnaître d'après les indices qu'il livre et dont la solution sera révélée le soir sur le podium. Et puis... les dédicaces. En ce mois d'octobre, on entendra beaucoup les titres de Jacques Dutronc dans les rues de Marcigny ; je furète parmi sa pile de 45 t à la recherche d'un disque de mon idole et quand j'ai épuisé tout le stock de mon chanteur préféré c'est moi qui lui fournis le titre rare, ma chanson préférée... Il fera même pour moi un véritable festival Dutronc en diffusant à la suite toute une série de chansons. Je suis aux anges!
Un soir, alors que je suis parti à vélo retrouver l'une de mes conquêtes à une dizaines de kilomètres de Marcigny, j'arrive juste à temps pour participer au radio crochet. Je n'ai même pas pris le temps d'ôter une sorte de linge enroulé autour de mon mollet droit et ficelé avec une vieille ficelle à colis, pour me garantir du cambouis de la chaîne. Je monte sur le podium et Claude Aguer, qui fait mine de me prendre pour un candidat lambda afin de ne pas trahir notre complicité, me demande mon nom : 
- Jean-Paul Guinard !
Mon père est sur le pas de la porte et observe la scène ; juste au-dessus de lui, l'enseigne du magasin "Établissements Guinard" vient faire écho à mon nom lancé à pleins poumons dans le micro magique.
- Ah !!!! Guinard. Tu es sans doute le fils du patron du magasin qui est en face, fait-il, goguenard.
- Euh... oui.
- Eh bien! on peut dire que tu fais honneur à la réputation des célèbres Établissements Guinard, ajoute-t-il ironiquement.
Et mon père de rentrer précipitamment pour cacher sa honte. J'en entendrai parler au souper du style vestimentaire dont je ne parvins même pas à lancer la mode. Il faut dire qu'à la même période je portais des pantalons pattes d'éléphant, je faisais délaver mes jean's par ma mère, à l'eau de javelle dans une cuvette, et il m'arrivait même de peindre des motifs sur mes fringues avec de la gouache.
De quoi n'aurais-je pas été capable pour être à la mode hippie, hippie, hourrah!


L'année se termine, Dutronc toujours à l'honneur comme on le voit dans mon agenda. 
Avec ma guitare et mon magnétophone, j'ai maintenant l'équipement "presque" complet qui me permet d'endosser la panoplie du parfait petit Dutronc, tout comme j'avais été quelques années auparavant Zorro, Josh Randall, ou le parfait petit chimiste, l'apprenti sorcier aussi... Déjà en représentation d'ailleurs puisque je faisais tout une mise en scène pour épater mes cousines avec des tours de magie.
Je ne sais pas de quelle qualité étaient mes imitations de mon chanteur favori mais ce qui est sûr c'est que j'étais dans la peau de mon personnage!
Cependant une nouvelle passion commence à voir le jour : j'écris un roman, sentimental bien sûr, dans lequel je vis par personnage interposé une belle histoire d'amour avec celle qui occupe depuis quelque temps toutes mes pensées. Elle s'appelle Colette et c'est une copine de ma sœur. Nous allons ensemble au bal (dans la réalité comme dans ma fiction) mais je suis encore bien trop timide pour lui déclarer ma flamme, alors c'est dans la fiction que se concrétisent mes émois amoureux.
Fin décembre, je vais chez mes grands-parents, au Vésinet et le 21, avec Colette (ma tante) je monte à Saint Germain en Laye où j'achète avec mes économies une vraie guitare (400 francs! Une somme pour l'époque). Je suis au comble du bonheur et le soir je dormirai avec cette "belle" au galbe impeccable avec laquelle je réalise l'accord parfait.






vendredi 12 décembre 2014

1970 - L'Aventurier

1970

L'Aventurier



Je vais avoir 15 ans... et je commence à prendre des ailes, des libertés, des responsabilités... J'achète toujours aussi régulièrement Salut les Copains, la toute récente Maison des Jeunes va bientôt être inaugurée et devenir mon nouveau terrain de jeu -et de drague-, j'aurai ma toute première guitare et un vélo qui me permettra d'écumer les routes de campagne. L'argent de poche que me donne chaque mois mon père me permet d'acheter de plus en plus souvent des disques ; je découvre la Pop musique! La vie est belle! Riche de nouvelles expériences! Mes résultats scolaires sont de plus en plus irréguliers et présenter mon bulletin à l'autorité paternelle est une épreuve dont je ne sors pas toujours vainqueur ; d'ailleurs mes notes ne sont pas la seule raison pour laquelle je me fais disputer : vitres cassées, rébellions, querelles avec ma sœur, désobéissance chronique, poste transistor qui a disparu (il est dans mon lit : j'écoute en cachette, sous les draps, des émissions musicales pour les jeunes). 


Fais pas ci, fais pas ça 

 

Avec le recul, je me dis souvent que j'eus un père héroïque et une mère bien permissive (même ses velléités d'autorité nous faisaient rire : un jour, nous étions en train de manger dans la cuisine, elle était à ses fourneaux et nous avions fait je ne sais quelle petite bêtise qui l'avait entraînée à faire une longue tirade sur nos devoirs d'obéissance. Pour une fois, mon père n'intervint pas. Nous étions tous les trois le nez dans l'assiette quand elle conclut : "Et rappelez-vous bien d'une chose, c'est qu'ici ce ne sont pas les enfants qui obéissent, c'est moi!" Nous pouffons de rire! Elle se retourne, interdite : "Qu'est-ce que j'ai dit?") Ah! Maman! Même en colère, tu trouvais toujours le moyen de nous faire rire.
Les disputes éclatent souvent le soir, quand nous sommes à table, dans le vestibule où trône la télévision. Mon père remonte fatigué du travail et je suppose que le fait de regarder les informations à la télé, tandis que nous mangeons la soupe, doit être pour lui un moment de détente. Mais c'est sans compter sur ma maladresse (je ne sais pas me servir un verre d'eau sans inonder la nappe), ni sur les facéties de maman qui me jette un clin d’œil complice dès qu'un journaliste évoque Kasa Vubu (premier président du Congo), qu'elle appelle Casa Boubou en pouffant de rire (mais ça devait être en 1969...). Souvent nous sommes tous les trois punis et allons finir le repas à la cuisine. On entend mon père ronchonner, tout seul : "Pas moyen de regarder le journal!" Nous continuons de rire, silencieusement, pour ne pas attirer ses foudres. A table, je suis à la gauche du père et sa main (gauche) part plus vite que je ne la pare. Jusque-là je baissais le nez sur ma soupe et jetais un coup d’œil sournois vers ma sœur qui était à l'abri de la fulgurante main gauche. Maintenant je me révolte. Un soir, j'ai dû encore verser le broc d'eau à côté de mon verre, il me traite de "con". C'en est trop! Je quitte la table et vais m'enfermer dans ma chambre ; j'ai posé un verrou, nah! Confus, il vient frapper à ma porte (j'ai entendu les pourparlers, l'intervention clémente de maman : "Allez! chéri! Vas-y! tu y es allé un peu fort tout de même...") Je ne cède pas. Lui non plus. Menaces. La voix grave de mon père tonne à travers la porte. Je réplique : "Je n'ouvrirai pas tant que tu ne m'auras pas fait des excuses." Il cède. Pour la première fois. Je n'en reviens pas.
De toute façon je suis dans mon domaine privé, ma chambre! mon petit royaume que je partage avec un ami qui me protège, qui me comprend, qui m'initie à toutes les libertés et à toutes les subversions malicieuses. Dutronc est là, partout, aux murs, sur mes étagères, dans mon meuble bureau. Si j'ai un coup de blues (ou si je souhaite me plonger dans une volontaire mélancolie d'adolescent romantique), je n'ai qu'à mettre un disque et la magie opère instantanément.

Mercredi 18 février 1970
Avec maman (qui me dispute souvent elle aussi, parce que ma chambre n'est pas rangée, etc. etc.) c'est plus facile. A la première remarque, je lance le disque "Fais pas ci, fais pas ça" ou bien je me contente d'en fredonner l'air qu'elle connaît par cœur, et elle comprend tout de suite que son petit Pompon est intouchable. Libre comme l'air. Non mais! On ne retient pas un oiseau en cage! Une porte fermée parce que je n'ai pas le droit de sortir, et hop! je prétexte d'aller voir ma grand-mère, qui habite en-dessous, et je suis dehors avec les copains.
Avec ma sœur,  les disputes sont fréquentes aussi. Aussi, quand je dois aller me confesser et que je ne trouve rien à dire, c'est toujours le même refrain. La porte du guichet coulisse et je suis très impressionné par la terrible tête du curé qui apparaît à travers la grille. C'est comme si l’œil terrible de Dieu le Père en personne se posait sur moi, inquisiteur et sévère : "Alors, mon fils, quels sont tes péchés? - Heu...! (je n'ai pas préparé l'interrogatoire, je suis troublé, il faut trouver quelque chose sinon il trouvera ça louche et finira par me faire avouer des vérités bien plus terribles). Heureusement un ange d'innocence vient à mon secours : Ma sœur! "Je me suis disputé avec ma sœur, je lui ai caché son peigne! - C'est bon! Tu me diras deux ave et trois pater." Et là, un petit signe d'exorcisme avec deux doigts en l'air, une formule magique, et je suis absous. Je sors, léger comme l'innocence incarnée, je vais m'asseoir en face de la vierge Marie et je récite bien vite les trois pater. Je m'embrouille avec les ave... Il est plus urgent de me réconcilier avec mon père, que je crains, qu'avec ma mère qui me soutient! Elle comprendra! Le poids de la religion était énorme et je croyais dur comme fer que Dieu me regardait en permanence. Enfin... seulement le soir, quand au moment de m'endormir je devais faire ma prière pour être en règle, parce que la journée... Dieu n'était rien d'autre qu'un Père Fouettard que maman avait souvent invoqué en brandissant le martinet. Mais fort heureusement je lui coupais les ailes aussi souvent que je coupais les lanières du martinet. Ce fut encore Dutronc qui me fournit la solution ; et je pus invoquer la Fille du Père Noël pour justifier toutes mes délicieuses tentations.  
Solennelle, la Communion!
Tout ce que j'écris là ne correspond pas à cette année de grâce 1970 car depuis ma communion solennelle, si ma foi n'était pas encore vacillante, la religion avait cédé le pas devant la vague déferlante de la musique du diable qui avait beaucoup plus d'attrait que les chants éthérés et désincarnés que nous ânonnions pendant la messe. Ma petite voix flûtée avait pourtant atteint des sommets de pureté quand je chantais Il est né le divin enfant, remplacé depuis belle lurette la sulfureuse mélodie de La Fille du Père Noël! Il faut dire que jusqu'à ma communion solennelle j'avais été enfant de cœur. J'avais demandé à l'être parce que je m'ennuyais ferme parmi la foule des fidèles dont la seule distraction devait être "assis, debout, à genoux" et de chanter avec ferveur des psaumes auxquels ont ne comprenait rien. Le corps du Christ était encore refusé à ma gourmandise et l'Esprit Saint était un mystère invisible (à moins qu'il consistât à ces colonnes de fourmis que je voyais défiler le long de la première marche du chœur). En passant de l'autre côté au moins je portais un déguisement qui s'il n'était pas le noir costume de Zorro donnait à ma figure angélique l'apparence d'un bon petit diable. Je pouvais enfin bouger et me distraire en agitant la sonnette qui commandait les génuflexions du curé, je portais le ciboire et je buvais le vin de messe. Ma carrière s'arrêta le jour où Thomas me fit un croche pieds tandis que je faisais la quête. Je pris aussitôt la décision que ma place était auprès de lui et nous nous tînmes résolument derrière le pilier le plus éloigné de l'autel ; le plus près de la sortie.
Enfant de chœur ou communiant
on me donnerait le Bon Petit Diable sans confession!









Lundi 16 mars 1970
Samedi 16 mai 1970


L'Idole

 

Cette année-là, je suis constamment à l'affût : à la radio, à la télé, sur S.L.C et même sur France Dimanche, Jacques Dutronc est partout. Parfois, je vais chez des amis de mes parents pour ne pas rater une de ses apparitions. Dès qu'il apparaît, je guette du coin de l’œil la réaction de ceux qui m'entourent. Et je rougis de contentement si l'on fait des compliments ; j'ai l'impression qu'ils me sont adressés. 

Mon premier cahier Dutronc



2 et 4 juillet 1970
26 et 28 mars 1970
Alimenté d'abord par les articles dans Salut les Copains et par les photos de Jean-Marie Périer que l'on y trouve, je tiens très régulièrement un cahier (On peut en trouver le détail dans la page : "Mes cahiers Dutronc")  sur lequel je colle tout, tout, tout ce que je trouve sur mon chanteur préféré. Et j'y vais de ma petite griffe personnelle, des commentaires qui montrent à quel point je m'identifie à Jacquot. J'adopte son vocabulaire, j'imite ses plaisanteries... et je délaisse mes cahiers d'école. Mais, comme je m'applique à faire le moins de fautes possible, il est fort probable que mes progrès en orthographe ont débuté à cette époque... De temps à autre, j'entends maman, derrière la porte fermée de ma chambre,  qui s'inquiète de mon sage silence : "Jean-Paul, tu fais tes devoirs?... - Oui!!!"  
Le 26 mars, mon premier cahier achevé, je vais aussitôt en acheter un autre chez mon beau frère et continue ma chronique assidue. Étrange que je n'ai pas songé à cette époque à me faire archiviste. J'aurais excellé dans cette carrière.
Mon deuxième cahier Dutronc
Quand j'achète Salut les Copains, la première page que je regarde est celle du Hit Parade. Il faut que Dutronc soit en tête. C'est comme en Formule 1, quand on a un favori il doit absolument être sur la plus haute marche du podium. S'il est dépassé par un autre chanteur, ce dernier descend automatiquement dans mon estime et pour soutenir le challenger j'écoute quasiment en boucle le titre qui devait le faire gagner.
Mais comme mon chanteur préféré n'est pas toujours celui des lecteurs de S.L.C j'imagine de créer mon propre Hit Parade. Désormais je ne manque pas de disques pour trouver des concurrents. D'ailleurs mes goûts sont de plus en plus axés sur les groupes anglais ou américains. Avec Abbey Road des Beatles, des Led Zeppelin, des Chicago Transit Autority, Deep Purple, des compilations exceptionnelles comme la Superb Super Pop Session, j'ai du mal à hisser Dutronc en tête du Hit Parade.Alors à la fin de la semaine, je triche un peu et je m'arrange pour écouter suffisamment mon dernier 45 tours pour amener Jacques Dutronc au sommet. J'ai préparé une grille, que je reproduis chaque semaine, et je mets une croix à chaque fois que j'écoute un disque. Comme il s'agit très souvent de 33 tours, mon chanteur favori a beau jeu de dépasser ses concurrents dans un dernier sprint à tout berzingue
Peu à peu la musique, ma musique, a envahi la maison. Elle envahira bientôt la rue quand du haut de notre deuxième étage, toute fenêtre ouverte, je ferai hurler la guitare que j'aurai électrifiée pour attirer les filles qui viendront, irrésistiblement attirées par ces nouveaux sons qui ont supplanté les hymnes ringards de nos parents, s'enivrer des liqueurs que je vais leur distiller.
Mais pour l'instant, j'ai demandé à mon père (auquel je demande d'enregistrer sur son magnétophone Gründing le double album des Who que mon cousin m'a prêté)  de me confectionner une rallonge pour que je puisse écouter ma musique dans mon bain. J'ai calculé que le temps d'écoute d'une face de 33 tours correspondait au temps qu'il fallait pour que l'eau du bain refroidisse. Je fais couler l'eau brûlante, dans laquelle j'ai pris soin de verser une bonne dose d'Obao pour que ça mousse et juste avant de plonger dans les délices d'une écoute extatique je pose le diamant sur un microsillon bien choisi. Vingt minutes de bonheur absolu. Je me laisse aller dans ce liquide apaisant... je savoure avec plénitude le chant envoûtant des sirènes!
Un vendredi soir, jour consacré du bain où j'ai prévu de faire mes dévotions à la vache sacrée d'Atom Heart Mother dans mon Gange plein de bulles, j'hésite car un artisan doit venir changer la vitre de la salle de bain (je ne me souviens plus dans quelles circonstances elle fut brisée...). Je m'informe auprès de maman qui me répond : "Mais non, vas-y! prends ton bain, il est tard, il ne viendra plus." Je lui demande plusieurs fois si elle en est bien sûre puis je prépare tout mon petit rituel, transporte le haut-parleur dans la salle de bains, je lance la face A et je me plonge dans le nirvana. A ce moment-là, on sonne. Des pas dans l'escalier. On frappe. Et j'entends maman qui guide le vitrier vers la salle de bain. Il doit prendre les mesures du carreau à remplacer. Maman ouvre la porte et me dit : "C'est M. Machin, il vient pour le carreau. Lève-toi et dis bonjour au monsieur." 


Comment n'ai-je pas su qu'il passait si près de chez moi? Mais c'était en quelle année?

 

Cinéma, cinéma...

 

En feuilletant mon cahier Jacques Dutronc, je découvre sur une photo publiée dans un Salut les Copains que mon idole est passée à Roanne au Palais des Fêtes. Nous nous y rendions souvent avec mes parents lorsque j'étais enfant car les Calvet, qui géraient ce cinéma, étaient des amis de mes parents et leur fils Robert, le parrain de ma sœur. Je me souviens que tandis que mes parents discutaient avec eux, dans une petite pièce de leur appartement attenant à la grande salle de cinéma, j'avais l'autorisation de me faufiler dans l'obscurité pour voir le film. C'est là que j'ai pu voir Ben-Hur en cinémascope et Lawrence d'Arabie (dont je n'oublierai jamais la musique) et bien sûr les incontournables Western comme L'Homme au colt d'or
Le Palais des Fêtes méritait bien son nom de Palais. C'était une immense salle avec balcons, dorures et décoration rococo. J'étais impressionné par la grande toile peinte où figuraient les publicités pour les commerces de Roanne. Avant le film, on voyait les réclames, les actualités et un entracte coupait les plus longs métrages. Je pouvais évidemment découvrir la cabine de projection lors des changements de bobines. Nous raffolions de ces sorties cinéma où nous allions l'après-midi. Il faisait encore jour quand nous entrions dans la salle obscure ; la nuit était tombée quand nous repartions.
En 1970, je vais souvent au cinéma, en famille ou avec des copains. A Marcigny, nous pouvons voir des films au Foyer ou au Vox. Quand je suis avec les copains, avant le début de la projection, nous faisons la foire. Nous achetons des bonbons et envoyons le papier sur les spectateurs, nous chahutons, poussons des cris d'animaux mais dès que l'obscurité s'installait nous entendons les rituels "chut! ça commence!" qui faisaient taire tous les gloussements et installaient un silence religieux. Je me souviens aussi qu'il fallait attendre parfois longtemps, trop longtemps que les lumières s'éteignent et que ma seule consolation était d'entendre souvent, très souvent, une chanson de Dutronc. Car l'attente était musicale, et ce qui me surprenait toujours c'est que c'était toujours en plein milieu d'un morceau que les lumières se coupaient brusquement alors que je me disais "c'est à la fin de celle-là que ça va commencer".

Nous habitions au deuxième étage et la fenêtre de ma chambre donnait sur l'église où se trouvait un panneau d'affichage pour les deux cinémas.  Quand c'était la sortie de la salle du Foyer qui était proche de chez nous, je savais infailliblement quel film étaient allés voir les spectateurs en observant leur façon de marcher (les hommes roulaient des mécaniques quand ils avaient vu un film d'action, ils marchaient comme s'ils avaient séché sur un tonneau, prêts à dégainer, s'il s'agissait d'un western, et les couples étaient plus langoureusement enlacés s'ils avaient vu un film sentimental).
Un dimanche après-midi, j'avais donné rendez-vous à la fille du boucher avec laquelle j'avais bien l'intention de flirter dans l'obscurité pendant le film. Mais comme j'avais peur d'être en retard, je me présentai à la première séance et j'attendais impatiemment son arrivée à la caisse. Poussé impitoyablement par la queue des spectateurs, je fus bien obligé de prendre mon ticket (la séance coûtait alors moins de 2 francs mais c'était tout ce que j'avais sur moi). 
Me voilà entré dans la salle, Annie ou Régine (je ne me souviens plus laquelle des deux sœurs) n'y est pas... C'est une angoisse épouvantable ; le film commence et pendant toute sa durée je ne cesserai de guetter l'entrée. Quand le film s'achève et que je rejoins la sortie, j'aperçois dans la file d'attente celle que j'ai tant attendue ; c'était la deuxième séance, celle de 17 h et mon impatience à la rejoindre m'avait joué un bien vilain tour!
Les films qui m'ont marqué à cette époque-là sont les James Bond que nous ne manquions jamais, mais aussi Vingt-Huit Secondes pour un Hold-Up avec Jean-Claude Killy, A tout Casser (que j'allai voir avec Thomas, bien sûr) et Le Spécialiste avec Johnny Hallyday. Les films ne disparaissaient pas de l'affiche au bout de huit ou quinze jours, comme c'est souvent le cas aujourd'hui, ils étaient régulièrement rediffusés dans les petites salles de village comme à Marcigny et nous pouvions voir et revoir des films assez anciens.

Ma soeur !


Si les disputes avec ma sœur sont fréquentes (surtout depuis qu'elle réquisitionne la salle de bains et s'y enferme pour un temps anormalement long à mes yeux juste au moment où j'ai besoin d'un seul et bref coup de peigne!) nous sommes aussi très complices. Plus jeunes, nos chambres respectives n'étant séparées que par une fine cloison et quelques mètres de couloir, nous communiquions par code en frappant au mur. Ce mode de communication ne passait pas inaperçu et la grosse voix paternelle ("Vous allez dormir, les gosses, ou faut-il que je me lève!") nous obligeait à trouver d'autres expédients. Nous avions donc trouvé une parade qui consistait à écrire des petits mots que nous nous envoyions discrètement d'une chambre à l'autre. Mais nos fou-rire et nos cavalcades peu discrètes pour rejoindre nos lits nous trahissaient quelquefois et nous étions alors pris en flagrant délit. C'était alors la "volée" sous la protection des couvertures sous lesquelles nous nous mettions en boule.
Déclaration solennelle
 
Plus tard nous avons poursuivi ce mode de communication, je veux dire par petits mots que nous trouvions bien en évidence sur notre bureau. L'un d'eux, que j'ai conservé, montre à quel point nos disques et surtout son électrophone était un enjeu important et le sujet d'âpres négociations. J'agissais avec diplomatie et lui faisais écouter mes nouveaux disques de Jacques Dutronc : elle adorait le début de la chanson Le Courrier du cœur quand Dutronc avouait d'une voix ingénue : "J'ai un problème, j'ai un problème." Mais ce qu'elle préfèrait encore, c'est lorsqu'il dit dans Transes Dimanches : "Que de terribles incertitudes, pour moi qui n'ai pas fait d'études..." Le ton Dutronc avait déjà évolué ; ce n'était plus celui du provocateur goguenard de "Et moi, et moi, et moi" mais une nouvelle façon d'introduire de l'humour avec une sorte de tendresse plaintive, genre victime de la société qui n'a rien compris au film mais proteste gentiment. En cela, il devenait représentatif, non plus des français râleurs, genre syndicaliste opposé à toute proposition comme dans L'Augmentation, mais du pauvre français moyen qui subit le diktat des médias. On voit que j'avais une écoute très attentive des paroles du couple sociologue Dutronc/Lanzmann, écoute que je mettrai à profit, quand je débuterai dans l'enseignement du français pour faire repérer à mes élèves les critiques sociales et autres phénomènes de société que l'on trouve dans ces textes de chansons. Dutronc entrera dans l’Éducation Nationale !
Le Courrier du cœur
Transes dimanche



Quelques années plus tard, quand ma sœur sera mariée, j'irai fréquemment passer des soirées avec elle pour lui faire découvrir mes dernières découvertes musicales, et je lui offrirai quelques albums 33 tours : La comédie musicale Air, le groupe Ange et bien entendu Pink Floyd.
Ce Noël 1970 mettra cependant un terme aux négociations autour de l'électrophone de ma sœur puisque je peux découvrir sous le sapin un cadeau qui signera mon indépendance : un électrophone "Téléfunken" que je m'empresserai d'insérer dans mon armoire et que j'utiliserai très longtemps.
Électrophone Téléfunken
Il n'est encore que mono mais je vais pouvoir enrichir ma collection de disques "Pop". Dès le lendemain, avec mes étrennes, j'achèterai le 33 t de Black Sabbath "Paranoïd" que l'on ne classe pas encore dans le hard rock. Doté d'une sortie "enregistrement" je pourrai bientôt copier mes disques préférés sur cassettes audio.


Ma première guitare

L'année 1970 va se terminer sous les meilleurs auspices : mon oncle et ma tante (ma tante Colette qui obtiendra pour moi une dédicace de Jacques Dutronc - voir la page Dédicaces), qui habitent le Vésinet un appartement qui est au-dessus de la boutique de mon grand-père, Pépère (une boutique de jouets qui a bercé mon enfance - voir mon blog Les Jouets du Bois du Lac) viennent régulièrement nous voir à Marcigny. Quand ils arrivent je guette avec la plus grande convoitise leur valise qui contient généralement un cadeau que leur a confié mon grand-père. Mais en ce 31 décembre 1970 le cadeau qui m'est destiné ne tient pas dans la valise et ce ne fut pas une surprise puisqu'il s'agit d'un cadeau annoncé : ma grand-mère (Mamie) qui m'avait promis de m'acheter une guitare, et elle a tenu parole. Une guitare bon marché comme je m'en aperçus plus tard en m'échinant à plaquer douloureusement des accords sur des cordes qui étaient éloignées par un bon centimètre du manche. Pour l'heure c'est pourtant un cadeau merveilleux : je vais enfin pouvoir parfaire mes imitations de Jacques Dutronc.
Évidemment je suis bien décidé à reprendre les cours de solfège pour savoir jouer de cet instrument emblématique. Et pour cela je serai contraint de retourner à la seule école de musique de Marcigny. Mes parents avaient déjà fait une tentative infructueuse pour me faire apprendre le solfège, voire le piano, quelques années plus tôt. Je ne devais pas avoir plus de 6 ou 7 ans quand je devais aller chez Madame Morche ; une cuisine sordide et nauséabonde, au fond de laquelle trônait un piano droit et sévère comme la justice. Sur une toile cirée qui collait, j’ânonnais mes notes sur les portées qu'elle traçait elle-même sur mon petit cahier de musique (Clairefontaine) et c'était bien pire encore que d'apprendre les tables de multiplication! Je pleurais à chaque fois que je devais me rendre à mon cours de solfège même si, à la fin de celui-ci Madame Morche m'offrait un bonbon... collant que je prenais du bout des doigts avec répulsion dans un sac... collant. Impossible du reste d'extraire un seul de ses bonbons : ils étaient tous collés! Et pour achever de me dissuader à devenir musicien, Monsieur Morche, un terrifiant gros homme qui était la parfaite illustration des ogres des contes, découpait au hachoir un lapin qui, même s'il était dépecé, sous ses grosses mains sanglantes me paraissait encore vivant et me regardait de son œil unique et glauque! Je ne pense pas être allé plus de cinq fois à ces cours où les percussions rythmiques du hachoir couvraient le son lancinant du piano sous les doigts frêles d'un autre élève. Maman dut se lasser assez vite d'avoir à me traîner jusqu'à cet endroit maléfique.
Bref! J'ai grandi, je n'ai plus peur des ogres, je ne mange plus de bonbons et ce que je désire avant tout, c'est apprendre à jouer de la guitare, sans me douter une seconde qu'il va falloir reprendre les cours de solfège. Dès le 14 janvier 1971 je retourne voir les Morche (que j'appellerai désormais les Moches) et je passe des mains de la mère aux mains de la fille ; ma promotion, puisque je vais désormais apprendre la guitare, me fait également grimper un étage et je me retrouve dans la chambre de Mademoiselle Morche : cent kilos bien pesés de bonne volonté et de talent pour m'apprendre les rudiments de la guitare... classique! Eh oui! dans cette bonne institution on n'apprend rien d'autre que la musique classique. S'il faut en passer par là, tant pis! je vais faire preuve de bonne volonté, apprendre à déchiffrer laborieusement les exercices fastidieux de la "Méthode de Guitare" de Carulli, assortie de la "Grande Méthode universelle de Guitare" qui me sera pourtant bien précieuse, plus tard, quand je devrai trouver les indispensables accords.
Si avec sa moustache et ses grosses paluches (héritées sans doute de son paternel) mademoiselle Morche n'alimenta pas mes fantasmes d'adolescent, elle n'en était pas moins une remarquable musicienne et même si je démissionnai et abandonnai rapidement  ses cours de guitare classique, je gardai pour elle une grande admiration, et bien des années plus tard, quand elle élut domicile à l'hôpital de Marcigny, je lui rendis l'hommage de quelques visites avec ma guitare pour des duos (guitare piano) où j'interprétais les chansons de Jacques Dutronc pour le plus grand bonheur des autres pensionnaires et des infirmières.

Mes débuts avec ma première guitare, musicalement catastrophique (si l'on excepte mes imitations de mon idole) m'ont fait anticiper l'année 1971. De grands événements vont avoir lieu.