Conseil de lecture

Les textes n'apparaissant pas dans l'ordre, je vous conseille de commencer par le plus ancien "Introït" (novembre 2014) et de poursuivre la lecture chronologiquement (voir les titres des articles dans "archives du blog")

mercredi 3 décembre 2014

1966 - Et moi, et moi, et moi

1966

Et moi, et moi, et moi

En 1966, j'ai onze ans.
Au mois de juin une bombe musicale va éclater, un événement musical inattendu. Ma jeune vie va en être bouleversée et je puis dire avec le recul que ma vie n'aurait pas été ce qu'elle a été si cet événement ne s'était pas produit. Surgie de nulle part, une voix s'élève sur les ondes radios et sur notre petit poste téléviseur : c'est le phénomène Jacques Dutronc!

Mais qu'est-ce que j'écoute en 1966?
Mon chanteur préféré, c'est Maurice Chevalier! parce qu'il porte le même prénom que mon père.
Comme beaucoup d'enfants, je suppose, j'aime les musiques et chanteurs préférés de mes parents. De mon père surtout qui avait une culture de musique de jazz très sélective : le jazz  Nouvelle-Orléans et ses avatars parisiens des années 40 et 50. Employé au Grand Magasin Le Printemps (où il rencontrera ma mère), il fréquente le club des Lorientais, où se produisent Maxime Saury, Claude Luter... Juliette Gréco est encore au vestiaire. De retour à Marcigny, où il travaillera dans le magasin familial, il rapportera dans ses soutes bon nombre de 78 tours. Ce seront les premiers disques que j'écouterai sur le Teppaz de ma sœur : je passe, très méthodiquement les uns après les autres, Louis Armstrong, Sidney Bechet, Artie Shaw, etc. je repasse régulièrement des titres endiablés comme Tiger Rag, mais je m'aventure aussi à écouter Rhapsodie in Blue et le duo comique Bach et Laverne.

Mon père possède encore un vieux pick-up tourne disque, vraisemblablement celui où il passait ses disques pour danser lors des surprises parties auxquelles mes parents devaient aller. Je possède encore quelques spécimens de ces curiosités : Musique pour toi... par Pierre Dorsey, son piano & son orchestre à cordes (Vogue - 1960), Musique pour arrêter le temps de Stephane Grappelly et son grand orchestre à cordes (Barclay), etc.
Parallèlement, quand apparaissent les premiers microsillons 45 tours, la collection s'enrichit des succès de Gilbert Bécaud, d'Amalia Rodrigues, de Benny Bennet et son orchestre de musique latino-américaine, d'Yves Montand, de Sammy Price quartet, de Lucienne Delyle, tout cela dans le plus grand désordre car je suis surtout fasciné par le macaron qui orne le centre des disques et qui tourne plus ou moins vite selon que l'on règle la vitesse sur 16 tours, 33 tours, 45 tours ou 78 tours.
Je m'amuse surtout à écouter insatiablement Peter Dean & son orchestre : Alexis Mange tes Choux. Mais à l'inverse j'adore un 33 t de Haendel : Musique pour orgue et orchestre. D'ailleurs mon père a fait l'acquisition d'un magnétophone Grunding, diablement sophistiqué et qui m'impressionne énormément. Le dimanche matin, nous sommes réveillés par de la musique classique, à laquelle succèdent des enregistrements de Brassens, de Brel, de Juliette Gréco, Félix Leclerc... très à l'honneur chez nous - juste avant que déboule le raz de marée Yéyé.

Mes goûts changent. Je n'idéalise plus la musique paternelle. Ma sœur, qui a deux ans de plus que moi est mon nouveau mentor, et la télé est le guide incontournable pour s'orienter. La boussole hésite encore malgré tout, dans ces années-là (1964-65-66), entre la chanson traditionnelle et la variété pour les jeunes.
Ma sœur donc, à laquelle on a offert l'incontournable Teppaz, que je confisquerai bientôt quand elle sera en pension à Paray le Monial, possède déjà une petite collection qui s'empile sur le distributeur mécanique de son tourne disque ; ils descendent automatiquement sur la platine, ce qui est déjà une attraction en soi : Richard Anthony, Claude François, Sheila, Nana Mouskouri, Françoise Hardy sont parmi les premiers 45 tours, achetés ou offerts, ceux que nous écoutons le plus. Viendront s'ajouter des succès fabriqués par la télévision : "Juanita Banana" - "Zorro est arrivé" - le siffleur émérite Roger Wittaker .
Nous faisons évidemment partie du Fan Club de Sheila et nous lui écrivons et nous recevons bien sûr une autographe imprimée.
Après la musique à papa, c'est la musique de ma sœur. Mais elle est encore confinée dans sa chambre et je ne suis qu'un spectateur zélé, attentif, enthousiaste... mais sans aucun goût personnel affirmé. J'aime tout ce qui tombe, tout ce qui tourne sur la petite platine caoutchoutée et presque tout ce qui passe sur le petit écran.
Mais un jour, un soir, lors d'une émission de variété...